EST-IL POSSIBLE DE VIVRE EN MARGE DE LA MONDIALISATION ?
Tsaatan
Les Tsaatan vivent en Mongolie nordique au milieu des terres sauvages dans des conditions plutôt extrêmes à l’endroit du globe le plus éloigné de tous les océans. Ils constituent une communauté en marge du monde et perpétuent un mode de vie hérité de la préhistoire.
Leur existence dépendante du renne est menacée par l’extinction des troupeaux victimes de consanguinité. Les chiffres sont éloquents : leur population qui comptait environ 2000 individus en 1977 a été divisée par trois.
Leur mode de vie
La vie dans la taïga
La vie est rude dans la taïga, traversée seulement de quelques pistes, avec comme unique mode de transport possible le cheval ou le renne. Se réchauffer est un défi constant et les attaques de loups une menace quotidienne.
Même si un grand nombre d’entre eux se sont sédentarisés et adaptés au confort promis par la société moderne, une quarantaine de familles résistent encore et toujours à la mondialisation et perpétuent les traditions ancestrales.
Les Tsaatan sont un peuple nomade, ils se déplacent avec leurs troupeaux entre la toundra couverte de lichen en été et les forêts de la taïga en hiver. Ces éleveurs de rennes nomadisent donc au rythme des saisons et vivent sous des tentes de toile semblables aux tipis des indiens d’Amérique, qu’ils réinstallent à chaque déplacement.
Les Tsaatan vivent dans ces tipis l’année durant, dans des conditions très sommaires, équipés de lits à même le sol, de peaux de rennes et un simple poêle pour faire face à l’hiver sibérien et à son climat froid et inhospitalier.
Les rennes
Comme dit auparavant, les rennes sont au cœur du mode de vie des Tsaatan. Chaque soir, plus de 200 bêtes reviennent d'une très longue marche de 12h qui les a emmenées chercher loin de quoi se nourrir. Un spectacle impressionnant, d'autant plus que la plupart d'entre eux se font traire dès leur arrivée au camp. Ils apportent du lait et de la viande, même si c'est en faibles quantités. Ce lait est incroyablement riche en graisses et en vitamines. Leurs bois, qui tombent tous les ans et atteignent leur plein développement durant la période de rut, représentent un revenu non négligeable pour les familles.
En effet les familles vendent leurs bois qu’ils sculptent avec art. Ainsi ils peuvent être utilisés comme monnaie d'échange. Car bien que vivant en totale autarcie, un revenu minimum leur est indispensable pour assurer l’éducation des enfants et acheter quelques vivres pour passer les durs hivers.
Les rennes leur fournissent aussi un moyen de transport ; rien ne se perd, tout est récupéré comme les poils de rennes servant à coudre les vêtements, les excréments des bêtes utilisés comme combustible pour les poêles. Par contre les Tsaatan ne mangent presque jamais la viande de leurs rennes, ce qui leur confère une place à part.
L’amour des Tsaatan pour leurs rennes est légendaire. Les plus jeunes portent des noms affectueux comme “le petit bien aimé”. Les plus anciens, affublés d’écharpes jaunes, sont vénérés et considérés comme sacrés.
Ces mammifères sont indissociables de la taïga et de ses lichens. Les lichens, qui ne poussent que dans la taïga, sont vitaux pour les rennes puisqu’indispensables à leur flore intestinale. Quant aux extrêmes températures hivernales, les rennes survivent grâce à leur capacité à réguler la température de leur corps. En réduisant la température du sang dans leurs pattes, ils peuvent transmettre de la chaleur au reste du corps.
Spiritualité
Les Tsaatan pratiquent la religion Animiste, selon laquelle une force vitale anime les êtres vivants mais également les objets et les éléments naturels comme le vent, la terre ou la pluie. Ils vouent un culte à ces esprits mystiques et certains d’entre eux ont des pratiques chamaniques.
Le chamanisme est donc omniprésent dans la culture tsaatan. Sur le chemin qui mène à ces terres reculées, on comprend qu'ils ne sont plus très loins quand on découvre en haut d'une colline un Ovoo. Un amoncellement de pierres, de crânes et de branches d'arbres sur lesquelles sont accrochées des adaak, des écharpes de couleurs bleu, éléments importants de la culture chamanique mongole.
Les Ovoo sont des monuments sacrés associés au culte des montagnes et du ciel. Le rituel veut que chaque mongol qui passe devant doit descendre de cheval et tourner 3 fois autour après lui avoir fait une offrande (argent, lait ou même vodka…) afin de demander une faveur aux esprits. Il joue aussi un rôle important lors des cérémonies du sacrifice.
Les difficultés rencontrées
Alors que d’anciens Tsaatan se sont sédentarisés et se sont dirigés vers les villes pour pouvoir toucher des revenus supérieurs, la petite communauté de la taïga résiste et est bien décidée à transmettre l’amour de la vie au grand air aux futures générations. Mais la communauté, de plus en plus réduite, risque aujourd’hui de ne plus pouvoir assurer sa descendance et la crainte de perdre un jour les valeurs fondamentales du nomadisme et de l’élevage des rennes se fait ressentir.
Désormais, les activités d'élevage ont été interdites par le gouvernement mongol dans plusieurs parties de la taïga, transformées en parc national par Oulan-Bator en 2011. Or c'est précisément le cadre où les Tsaatan, s'établissent en automne pour nourrir et engraisser leurs rennes avant les rigueurs hivernales.
Si le parc national ne permet pas aux populations nomades d'y vivre, c'est aussi pour protéger la région de l'exploitation aurifère illégale, désastreuse pour l'environnement, explique à l'AFP Tsedendashiin Tuvshinbat, un responsable du ministère mongol l'Environnement.
Certains jeunes défient les autorités, conduisant leurs animaux dans les zones interdites pour brouter les tendres couches de mousses et lichens recouvertes par la neige.
Mais beaucoup semblent résignés : la majorité des Tsaatan vit aujourd'hui grâce aux subventions du gouvernement, qui leur octroie l'équivalent de 65 dollars mensuels par adulte, ainsi que des revenus générés par les touristes visitant leurs camps.
Outre l'élevage, les autorités mongoles restreignent de façon drastique la chasse, mettant en avant la nécessité de protéger la faune sauvage et de maintenir les populations animales.
La plupart des Tsaatan ne mangent pas leurs rennes, dont ils consomment surtout le lait. En revanche, ils chassent volontiers des élans et autres mammifères sauvages pour s'en nourrir. En raison du durcissement des restrictions sur la chasse, ils sont désormais contraints d'acheter du mouton, de la viande de chèvre et des céréales auprès des fermes des environs pour se conformer à la loi.
De plus, depuis la fermeture des frontières au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Tsaatan ne peuvent plus librement échanger rennes et pâturages avec leurs frères de la république voisine de Tuva, aujourd’hui membre de la fédération de Russie, dont ils partagent la langue d’origine turque et les croyances chamaniques.
Les Tsaatan, sont aussi aujourd’hui menacés par l’industrie pétrolière qui détruit le lichen dont se nourrissent les rennes.
contact avec le monde
De nos jours, les Tsaatan s’ouvrent de plus en plus à une vie moderne et sédentaire. Leur nomadisme est remis en question de jour en jour.
Un des revenus des Tsaatan pour pouvoir survivre et acheter de la viande est le tourisme qui se développe de plus en plus. En effet, la première télévision est arrivée en 2009 sur leur lieu de campement. Les Tsaatan sont maintenant l’objet de plusieurs reportages, notamment avec Rendez-vous en terre inconnue. De plus, des organismes proposent des excursions et des visites sur leurs terres. Des touristes peuvent donc vivre avec les Tsaatan durant une durée choisie.
Les Tsaatan sont aussi en contact avec l’extérieur car ils ont besoin de certains vivres pendant l’hiver car, pendant cette période, il est dur de trouver de quoi manger.
Autre preuve de leur modernisation, certaines des tentes de la communauté sont équipées de panneaux solaires et de téléphones par satellite. Certaines familles possèdent aussi la télévision afin de se tenir informées sur l’actualité de leur pays.
Les jeunes Tsaatan, de plus en plus, sont tentés par la modernité et le confort des villes mongoles, en pleine expansion. En effet, eux vont presque quotidiennement à l’école dans la ville, et y vivent souvent car ils ne peuvent pas retourner chez eux tous les soirs.
COnclusion
Plus qu’un mode de vie, les nomades Tsaatan, par leur identité, défendent les croyances et les rituels de leurs ancêtres. Beaucoup admirent leur vie en totale communion avec la nature et ses grands espaces, c’est en elle que les derniers peuples Tsaatan puisent leur force et leur fierté.
De nos jours, les Tsaatan se sédentarisent et se modernisent peu à peu. Les plus jeunes rêvent de la vie dans la ville et décident d’y déménager avec le temps.
On peut donc se poser la question de la survie de ce mode de vie nomade et de ce peuple extraordinaire.
La mondialisation les obligeant peu à peu à être contact avec le monde industrialisé, nuit à leur culture et idéaux.