EST-IL POSSIBLE DE VIVRE EN MARGE DE LA MONDIALISATION ?
une Comunauté Religieuse
Les amish
Leur histoire
Les Amish sont une communauté anabaptiste de confession mennonite et très rigoriste, qui refuse la technologie et la société de consommation. Le mennonitisme est un mouvement religieux né dans le courant du XVIe siècle, lors de la Réforme protestante.
En tant qu'anabaptistes, ils sont contre le baptême des enfants. Ils pensent en effet qu’un enfant ne possède pas encore la connaissance du bien et du mal et ne peut faire des choix par lui-même. Pour eux, seul l’adulte croyant peut recevoir le baptême. Ce choix de pratique leur a valu d'être fortement persécutés au cours du XVIe siècle. En effet, leur relecture de la Bible impliquait une liberté de conscience inacceptable pour le pouvoir politique de l’époque. Ils s'affirmèrent contre l'autorité de l'Etat et contre la hiérarchie de l'Eglise qu'ils estimaient corrompues. De plus, les Anabaptistes prêchaient la non-violence et la non-résistance.
L'appellation "Amish" serait liée au nom de l'évêque suisse mennonite Jakob Ammann. Grand leader anabaptiste, il fut le fondateur d'un mouvement valorisant une vie simple, modeste et saine. Il prôna la valeur de l'unité collective plutôt que celle de l'individu, et encouragea cette uniformité. Ce mouvement naquit en 1693 à Sainte-Marie-aux-Mines (Alsace). Les anabaptistes qui s'y conformèrent furent baptisés "Amish".
Après trois siècles de persécutions et de migrations, les Amish ont aujourd’hui trouvé aux Etats-Unis et au Canada une liberté religieuse complète. La totalité des Amish du Vieil Ordre (environ 160 000) vit en Amérique du Nord : principalement en Pennsylvanie, en Ohio, en Indiana et en Ontario (Canada). Cependant, on trouve des communautés Amish dans 24 états des Etats-Unis. Ils vivent exclusivement dans des fermes (ou des maisonnettes campagnardes) pouvant accueillir jusqu’à quatre générations d’une même famille.
Selon les occidentaux, ils vivent dans le passé, mais il faut comprendre que les Amish souhaitent simplement avoir la liberté de vivre leurs vies et élever leurs familles.
Une vie modeste et paysanne, dictée par les règles religieuses
Un mode de vie censurant la technologie moderne
Refusant le “monde” où l’homme perd trop facilement « son âme », ils font un usage sélectif de la technologie moderne. Par exemple, ils interdisent la possession d’une voiture qui est remplacée par une carriole tirée par un cheval, ils censurent l’usage de l’électricité publique et utilisent avec modération le téléphone. Ils croient en un mode de vie traditionnel, modeste et simple.
Les règles diffèrent tout de même selon les communautés. Certaines peuvent avoir des tracteurs mais la majorité ne peut pas. Certaines ont autorisé les pneus en caoutchouc, alors que d'autres se limitent aux roues de fer. Certains commerces amish sont autorisés à utiliser l'électricité de manière très limitée, tandis que d'autres utilisent uniquement le gaz et se servent de batteries pour les caisses enregistreuses. La plupart des maisons amish ont une plomberie intérieure ; cependant les Amish les plus conformistes n'en disposent pas.
Une organisation qui s'oppose à celle du pays
Les Amish n’appliquent pas les systèmes de leur pays : les différentes communautés établissent leurs propres règles de vie et ont leur propre tradition. Elles communiquent entre elles, mais il n'existe aucune organisation régionale ou nationale. Elles sont dirigées par un évêque, un prêcheur et deux niveaux de diacre. Les femmes n'ont pas voix au chapitre. Les Amish n’ont pas de sécurité sociale ni de cotisation à la retraite : ils se soignent eux-mêmes et leur quotidien repose sur l'entraide et la solidarité, une grande force pour la communauté.
La femme Amish a entre 8 à 10 enfants. La famille vit généralement dans une ferme ou une maison de campagne et adopte un mode de vie paysan. Ils vivent de leur propre agriculture et des produits de la ferme, cultivent leurs champs et labourent avec des outils et des machines qui, aujourd'hui, n'existent plus. Ils doivent donc les réparer eux-mêmes s'ils viennent à s'user.
Il arrive que le père transmette la ferme à l'aîné dès le mariage. Le père se fait alors souvent tisserand ou sculpteur artisanal et fabrique de petits objets en bois.
Les Amish ouvrent des magasins en ville où l'on peut se procurer leur artisanat, principalement les couvertures quiltées (patchwork) et autres objets d'artisanat.
Une vie religieuse sous les règles de l'Ordnung
Les Amish forment une église confessante. Cela signifie qu’un enfant naît Amish sur le plan culturel mais ne devient Amish, c’est-à-dire membre de l’Eglise, que par le baptême volontaire, entre 18 et 24 ans. Chaque année, 85% des jeunes gens rejoignent l’Eglise Amish, devenant ainsi membres à part entière de la communauté.
L’Ordnung, ensemble de règles écrites (aux XVIe et XVIIe siècles ) puis orales de nos jours, règle aussi bien la vie religieuse que sociale et économique.
Les Amish vont à leurs réunions de prières tous les deux dimanches dans leur communauté locale et passeront l’autre dimanche à visiter des amis ou de la famille. Ces réunions ne sont pas tenues dans des églises : les membres de l'Église reçoivent le service religieux à tour de rôle soit à l'intérieur de leurs maisons, soit dans des hangars, des granges, etc...
Le service dure habituellement 3 heures ou moins selon les communautés. Il comprend le chant de cantiques, le Ausbund, des exhortations ainsi qu'un temps de sermons et de prières, puis des annonces communautaires. Pendant le temps de la prière, tout le monde incline la tête par respect et piété. Une fois le service terminé, un repas est servi, et le reste de la journée est consacré à la socialisation chez les adultes, tandis que les enfants jouent. On peut constater qu'il y a une attitude d'adoration profonde de la part de ce peuple.
Des vêtement simples et sobres
Les vêtements mode pour les Amish sont "horchmut" (orgeuil, vanité). Selon eux, porter un vêtement modeste et simple est essentiel dans la discipline d'un vrai chrétien car les habits sont une extension de la foi et de la personnalité.
Les hommes sont habillés d'un pantalon noir à bretelles et portent un chapeau de paille, ou parfois noir. Une fois mariés, ils se laissent pousser la barbe, mais jamais la moustache.
Les femmes, quant à elles, portent des vêtements un peu plus colorés, doivent se vêtir d'une robe et se couvrir la tête d'un bonnet.
Ci-dessous, vous pouvez visionner un témoignage d'un couple Amish qui explique pourquoi les femmes Amish portent des vêtements simples et sobres.
Une éducation basée sur la Bible, la solidarité et la famille
Les Amish vont comme les occidentaux à l’école primaire. Les écoles privées sont administrées par une commission scolaire des parents Amish élus et les enseignants viennent de la communauté Amish elle-même. Les Amish croient en général que trop d'éducation, ou posséder la sagesse "du monde", apporte trop de fierté. Le plus fort de l'éducation de leurs enfants vient de la Bible et de l'apprentissage avec leurs parents.
Dans leurs “one room schools” (tous les enfants dans la même salle), ils apprennent aux jeunes Amish, en Pennsylvania Dutch (leur langue maternelle, mélange de dialectes germano-suisses) et en anglais, l’humilité et l’esprit de solidarité qui sont à l’opposé de l’individualisme et de l’esprit de compétition prônés dans les écoles américaines.
A l'âge de 14 ans, les jeunes, qui ont reçu une éducation suffisante, quittent l'école. Ils sont ensuite envoyés à l'âge de 16 ans dans le monde moderne jusqu'à peu près 21 ans. C’est la période du « Rumspringa ».
La Rumspringa est une pratique qui permet aux jeunes Amish, qui n'ont pas encore adhéré à l'Eglise, de découvrir et de vivre dans le monde moderne. Elle implique généralement de participer à diverses activités de la jeunesse, aller à des matchs de baseball et des concerts, ou visiter la plage, parfois boire ou aller dans des discothèques.
Cette liberté donne une chance d'accepter ou de rejeter la vie Amish avant de décider de l'appartenance à l'Eglise où l’Amish se soumet à ses règles. Les Amish pensent que donner à leurs jeunes le choix les encouragera à se conformer aux règlements de l'église à l'âge adulte.
La Rumspringa : une ouverture sur le monde extérieur
Quatre adolescents Amish sur cinq mettront la Rumspringa de côté et rejoindront l'église Amish. Cela montre que les Amish sont tout de même attachés à leur communauté et à ses conditions de vie.
Un bannissement strict
Les Amish voient le bannissement comme une forme nécessaire de la discipline ecclésiastique. Quand un membre de l'Eglise est placé sous l'interdiction (bannissement), en raison d'un péché connu ou d'une infraction aux règles Amish, il est rejeté par d'autres membres de l'Eglise. Un avertissement vient toujours avant qu'une personne ne soit placée sous l'interdit, elle a donc beaucoup de temps pour se repentir. Le membre expulsé est accueilli à son retour dans la communauté s'il est prêt à se mettre à genoux et à avouer son erreur.
Bien que la conversation limitée soit autorisée avec une personne bannie, les membres de l'Eglise sont avisés de ne pas avoir de relations d'affaires, de manger, de travailler et d'aller au culte avec elle.
Leur rejet de la société occidentale
Comparé à nos normes, le monde Amish paraît limité en raison de ses nombreuses contraintes. En effet, la pensée et la culture amish reposent sur la soumission à un mode de vie religieux, paysan et familial, des valeurs dévalorisées dans la mondialisation. En contrepartie, la sécurité affective et matérielle est garantie à chacun.
Les Amish rejettent le modernisme. Ils pensent qu’ils doivent être séparés des désirs et objectifs du monde moderne. Pour eux, être séparé du monde c'est être différent du monde. Ils croient également que l'utilisation d’outils modernes dans notre monde affaiblirait leur unité familiale et les amènerait à beaucoup de choses superflues, ce qui les éloignerait de Dieu.
La parole biblique et le souvenir des persécutions expliquent leur volonté de vivre séparés du monde.
Ils citent des passages de la Bible pour justifier leur différence. Par exemple, “N’aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui ; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais vient du monde. Et le monde passe, et sa convoitise aussi ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement ” (I Jean 2 :15).
Tout l’esprit de modestie, de soumission, d’obéissance, de non-révolte, d’acceptation de la douleur, de dédain du monde matériel impliqué par la Gelassenheit (la manière d’être et de vivre de tout Amish qui se respecte) est contenu dans ce passage.
Rejoindre les Amish
N'importe qui peut rejoindre la foi Amish pour peu qu'il soit prêt à renoncer à son mode de vie moderne et à respecter les règles de l'Église amish. Cependant, c'est une transition difficile, qui signifie de nombreux changements sur le plan moral, spirituel, pratique et professionnel. Il faut adopter la manière simple de s'habiller et de vivre, et abandonner la plupart des commodités de la société moderne.
Témoignage d'une femme ayant quitté sa communauté amish
Ce témoignage a été publié par Paris-Match le 8 juin 2013.
A 23 ans, Saloma Miller Furlong a choisi de quitter sa famille et ses proches amish. Dans son livre Why I Left the Amish («Pourquoi j’ai quitté les Amish»), elle tente de détruire des stéréotypes autour de cette communauté.
Elle nous révèle notamment la vraie définition du rumspringa. Pour Saloma, le rumspringa est simplement un moment pour trouver un époux ou une femme: «Cela commence aux alentours de 16 ou 17 ans, et se termine quand la personne se marie. Dans ma communauté, à Geauga County (Ohio), il ne s’agissait que d’une période pour avoir des rendez-vous et trouver un mari.» Bien loin de ces groupes d’adolescents qui débarquent dans des grandes villes et découvrent smartphones, télévision et Internet ; cela n’arrive que dans les communautés les plus «libérées».
Pour Saloma, qui a eu une enfance difficile, quand les jeunes quittent la communauté, cela n’a rien à voir avec le rumspringa : "Certains jeunes sont désenchantés par l’idée qui est enseignée aux enfants, parce qu’ils ne se sentent pas à leur place, ou qu’on leur refuse le droit à de brillantes études. Nos parents nous apprennent que si nous sommes nés Amish, c’est que Dieu veut que nous restions Amish. Si nous ne le sommes pas, tout espoir de rédemption est perdu.»
«La meilleure chose qui puisse leur arriver : qu’on leur dise que tout ce dont ils ont besoin est de croire en Jésus Christ.», assure l’auteure.
Si Saloma évoque une pression si forte, c’est qu’elle l’a subie. A l’âge de 20 ans, elle avait quitté la communauté une première fois mais ses proches sont revenus la chercher. "Ils sont venus dans l’intention de me ramener à la communauté, et je savais que je n’aurais pas le courage de m’opposer à eux.»
Elle a regagné sa communauté Amish pendant trois ans avant de la fuir pour toujours. Une fois mariée et installée, elle a accueilli pendant six mois Anna, une jeune Amish qui avait quitté sa communauté –les Swartzentruber, une des plus strictes– du jour au lendemain. Après sept mois passés à travailler dans la boulangerie ouverte par Saloma, Anna a craqué et a regagné sa famille: «Elle a cédé à la pression. Depuis, elle n’a plus le droit de nous écrire.»
Critique envers ce mode de vie, Saloma n’en garde pas moins quelques bons souvenirs, notamment les repas de famille comme le Thanksgiving où elle avait l’impression « d’être entourée par l’amour pur.» Néanmoins, Saloma explique que «La communauté Amish peut être très confortable car tout le monde se connaissait… Mais elle peut aussi être un endroit très difficile car tout le monde se connaissait !». Moquée en raison de la maladie mentale de son père, Saloma affirme que les enfants Amish étaient «sans pitié», et certains étaient «vraiment torturés».
Peuvent-ils survivre face à la mondialisation?
Tandis que les nouvelles technologies ne cessent de se développer, on peut se demander si les communautés amish peuvent survivre face à la mondialisation. En effet, les Amish ont souvent des difficultées financières car ils subviennent à leurs propres besoins mais ont tout de même l'obligation de payer les impôts. Ils ont donc bien compris que le tourisme pourrait leur être profitable. C'est ainsi que les touristes peuvent visiter de nombreux musées sur le patchwork, des maisons traditionnelles, des écoles Amish...
Il faut préciser que la population amish s’est développée depuis son arrivée dans le Nouveau Monde. Avec un taux de croissance compris entre 4 et 6% par an, leur nombre double plus ou moins tous les 20 ans. Avoir des enfants est perçu comme une bénédiction pour les amish, mais aussi comme un devoir. Cela explique leur accroissement important sachant que 80% d’entre eux choisissent de retourner dans la communauté après leur Rumspringa.
Dans le tableau ci-dessous, on peut observer la population amish en 2015 dans trois états des Etats-Unis où la communauté est particulièrement présente. Les Amish représentent moins de 1% de la population de ces états avec un effectif compris entre 50 000 et 70 000 individus par état.
Dans son ouvrage « Flourish : A Visionary New Understanding of Happiness and Well-being », Martin Seligman rappelle que les Amish de Pennsylvanie font partie des gens les plus heureux sur terre.
On peut donc conclure que les Amish ne sont pas prêts à quitter leur mode de vie pour intégrer une mondialisation dont les normes et les valeurs leur sont étrangères. De plus, la population amish, à l'inverse de celle des peuples isolés, s'accroît de manière importante ce qui leur permet de "résister" à la mondialisation en continuant d'affirmer leur identité.